Par : Karim Kebir (Liberté Algérie)
Le “scénario” a quelque chose d’hollywoodien emprunté à un drame shakespearien. Tous les ingrédients d’un thriller comme seule l’Amérique sait en produire ou d’une tragédie à l’anglaise sont réunis.
Des acteurs, un bon plan média et un effet fantasmagorique qui porte l’émotion et son corollaire, la peur, à leur paroxysme. Le tout comme apparaissant sous la direction minutieuse de scénaristes rompus aux subtilités du 4e et du 7e arts. Mais pour le moment, l’auteur n’a pas signé sa pièce.
Le complot de “dimension mondiale”, déjoué ce jeudi par les Anglais, et qui visait, selon les explications fournies par la police, à faire exploser des avions de lignes entre le Royaume-Uni et les États-Unis, a de quoi susciter de légitimes interrogations. Il apparaît par certains égards comme une de ces innombrables pièces théâtrales jouées souvent par des forces occultes et capitalisées par les grands de ce monde pour occulter des déconvenues difficiles à assumer, autant face à leurs opinions respectives que face à l’opinion mondiale.
Et la crise libanaise a sans doute inspiré la trame. Si l’on ne peut objectivement et a priori contester l’existence d’un plan visant à semer la terreur parmi les Occidentaux, il reste que le contexte et le manque de preuves données par les enquêteurs donnent à penser qu’une manipulation de dimension mondiale, celle-ci, n’est pas à écarter. Première conséquence en tout cas : un chaos dans le transport aérien allant de Londres jusqu’au Chili, une mobilisation des opinions autour du thème de la sécurité et retour du débat sur la nébuleuse Al-Qaïda.
Curieusement, c’est au moment où la crise libanaise s’enlise, que les Américains et les Anglais s’embourbent davantage en Irak, qu’on ressort, comme ce magicien, un lapin de son chapeau, Ben Laden.
Le Pakistan, jusque-là oublié, est subitement propulsé au-devant de la scène. Au-delà qu’il participe à détourner les yeux du monde sur les tragédies du Moyen-Orient, le “présumé complot” de Londres permet aux chefs du 10, Downing Street et de la Maison-Blanche de surmonter quelques soucis de politique intérieure. Brocardé par son opinion publique, Tony Blair tente de soigner son image, tandis que Bush critiqué sur sa guerre en Irak profite pour s’engager dans... une guerre contre les démocrates, en perspective des élections parlementaires prévues dans quelques semaines autour du thème devenu porteur de la sécurité.
Et ce n’est certainement pas sans raison qu’un journal russe s’interroge “à qui profite l’annonce du complot ?” et comment un projet d’une telle ampleur n’ait pas conduit les deux dirigeants les plus puissants de ce monde à interrompre leurs... vacances.
Dans un éditorial, rapporte l’AFP, le journal Kommersant s’interroge pourquoi M. Blair et le président américain George W. Bush n’ont pas interrompu leurs vacances face à la menace “la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale”. “Le monde entier est excité, les aéroports paralysés, mais ils (Bush et Blair) bronzent. On s’imagine qu’on puisse ne pas avoir peur d’un attentat en préparation dans un cas seulement : quand on est sûr qu’il n’aura pas lieu”, écrit le journal. Cette affaire peut servir à détourner l’attention de la guerre au Liban qui préoccupe beaucoup plus les deux leaders que la menace des attentats, suggère le journal.
Pour sa part, le vice-président de la compagnie Aéroflot affirme : “On ne peut pas faire confiance aux services de sécurité (...) Croire aux déclarations publiques des services spéciaux serait irréfléchi, des choses importantes, ils le disent à mi-voix (...)”. En décodé : une manipulation n’est pas à écarter. Mais à qui profite la manipulation ?
En attendant que la vérité éclate un jour, certainement pas aux civils qui continuent à tomber sous les bombardements au Liban et à l’Irak au bord de la guerre civile. Devant une communauté internationale impuissante...
KARIM KEBIR
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