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"Soutenir José pour dénoncer l’élection présidentielle ?" par Jean-Paul DAMAGGIO

vendredi 19 janvier 2007

Jean-Paul DAMAGGIO est enseignant et syndicaliste dans le Tarn-et-Garonne. Je ne pense pas me tromper en rajoutant : écrivain et historien. Je l’ai rencontré hier soir à Caussade à l’occasion de la réunion publique sur l’appel : "José Bové peut et doit être le candidat de l’alternative à gauche !".


Par définition le principe même de l’élection du président de la république au suffrage universel direct va à l’encontre des convictions démocratiques profondes. Elle est faite pour fabriquer un grand monarque républicain qui se décline souvent en petits monarques locaux. Avec comme conséquence générale, le développement d’un capitalisme féodal dont notre département est un des prototypes.
Comment refuser une telle institution ?
Par deux démarches aussi respectables l’une que l’autre :
- se mettre sur le bord et regarder passer le train
- tenter d’agir de l’intérieur.

Depuis presque 20 ans, les circonstances m’ont obligé à regarder passer le train de la présidentielle sans baisser les bras quant aux autres moments électoraux. En 2007, je pense qu’on peut agir de l’intérieur car, dans le contexte social que nous connaissons, la candidature de José Bové me paraît capable de secouer la monarchie républicaine. Ce qui n’a rien à voir avec le nom « José Bové » mais avec le mouvement qui peut se déclencher et dont la victoire du NON, le 29 mais n’est qu’un des éléments.

On m’objecte que le peuple de France est tellement habitué à cette élection que sa remise en cause est peine perdue. En conséquence, toute tentative de participation à ce jeu électoral cautionnerait, plus qu’elle n’invaliderait, ce moment de la vie politique. Si la présidentielle mobilise toujours beaucoup, comment ne pas observer depuis longtemps que des électeurs tentent de casser le système ? Le succès de la candidature Besancenot en 2002 entre dans cette démarche (Krivine avec le même discours aurait fait 1%), tout comme, pour des raisons différentes, le succès actuel de Ségolène Royal (je ne doute pas un seul instant qu’elle sera la future présidente). La candidate du PS, bien qu’actrice habituelle de la vie politique, a su se placer hors du système par sa démarche, en apparaissant comme une figure nouvelle en tant que candidate féminine revendiquant les plus hautes fonctions. Ses faux amis masculins du PS, n’ayant rien compris aux souhaits populaires, se sont enfoncés d’eux-mêmes par des critiques ridicules.

D’autres signes démontrent la coupure entre la classe politique et les souhaits populaires. Les dirigeants du PCF dotés du plus grand réseau de militants dévoués, refusent depuis des années de voir la vérité en face. Les causes de chaque échec électoral seraient circonstancielles. En 2002, en changeant de tête, la machine pouvait repartir. Conséquence : en 2007 les militants pensent qu’ils portent une légitimité plus grande que celle de simples citoyens, alors qu’en 2002 trois partis dotés de peu de militants firent beaucoup mieux que le PCF : LCR, LO et le MRC. La présidentielle se joue ailleurs que dans le porte à porte.

Que cherche les électeurs ? La nouveauté pour la nouveauté ? Non, ils cherchent une solution aux problèmes qu’ils rencontrent. Avec le candidat José Bové, le système peut souffrir de l’intérieur car l’élection présidentielle deviendrait un levier pour tous ceux qui, au nom de la démocratie retrouvée, luttent contre la monarchie républicaine. Pendant longtemps, le peuple pensa qu’un des siens ne pouvait prétendre au poste de président par manque de compétences. Tout le débat portait alors sur la nature des compétences. C’est sur ce point que Sarkosy va attaquer Ségolène Royal et s’enfoncer (avec l’aide de Chirac) car l’électeur en a assez des compétences de tous bords qui conduisent toujours le système au même précipice. La candidature Salesse s’inscrivait dans cette logique des compétences, or dans bien des endroits, le peuple change l’image qu’il a de lui-même et considère que le critère n’est plus la compétence, mais la proximité réelle du candidat avec sa vie (Chavez, Lula, Morales pour les Amériques mais aussi malheureusement le président d’Iran). Les compétences sont renvoyées à l’entourage du candidat. D’une certaine façon Chirac a essayé de se doter de tels habits de parade. C’est un des éléments clefs du succès relatif du petit facteur en 2002.

En conséquence, dans la campagne Bové l’essentiel n’est pas l’électoralisme (les électeurs sont présents comme ils étaient présents au Larzac) mais la recherche des formes d’organisation capables de faire vivre le pluralisme qui existera inévitablement autour du phénomène. Pour arriver à 10%, Bové prendra des voix à tout le monde y compris à l’extrême-droite par exemple (je n’ai pas besoin des sondages pour le vérifier). Le Pen a été le premier à jouer la carte anti-système et il a capté ainsi beaucoup de mécontents (anti-système jusqu’à refuser au second tour tout appel à voter pour la droite). Quand quelqu’un de gauche ouvre sa gueule , va en prison pour ses idées, il ne faudra pas s’étonner si les sondages sortis des urnes indiquent que 3% de l’électorat Bové vient de l’extrême-droite.

Des lecteurs de l’Huma Dimanche s’en étonneront d’autant moins qu’ils ont appris le 4 janvier qu’il « flirte ouvertement avec l’extrême-droite » même si on apprend en même temps que « José Bové a pris ses distances » avec ce courant. Heureusement, sinon comment expliquer que Bové ait pu être accepté par M-G Buffet comme un de ses soutiens importants en 2004 ! L’article de Jean Jacob publié dans l’HD du 4-01-2007 ne dit que des vérités sur la question des liens entre la mouvance écolo de l nouvelle droite « Edward Goldsmith » et une partie de l’altermondialisme, mais des vérités partielles. Cet article fonctionne comme le livre de Harribey-Di Méo sur la décroissance. En faisant l’impasse sur les combats de Paul Ariès ou Vincent Cheynet on peut ensuite présenter les côtés réactionnaires (nouvelle droite) de la décroissance comme s’ils en étaient le cœur. Je dénonce ce risque depuis longtemps dont Pierre Rabhi me paraît le symbole (avec l’aide de Terre du ciel). Au moment du Larzac 2003, j’ai pointé les éléments réels qui liaient parfois l’altermondialisme et ce courant d’extrême-droite autour d’éléments de la revue L’Ecologiste (une lettre aux organisateurs est restée sans réponse). La nouveauté de la campagne Bové devrait justement mettre en surface des débats masqués, des débats où chacun devra s’exprimer avec clarté. Sur un autre plan, nous enregistrons parmi les soutiens à José Bové le philosophe Michel Onfrey, connu pour ses positions pro-OGM. Pour dire que les débats sont ouverts …

Le combat politique ne peut plus être celui d’un clan. Il doit organiser le respect de chacun en vue de la reconstruction d’une action nouvelle capable de faire avancer le changement radical des règles de la société. D’où le besoin de transparence, ce qui n’est pas encore le cas de la perspective en construction. Si la campagne Bové n’est pas celle d’un candidat (ou d’un nouveau clan) mais celle d’un mouvement démocratique, elle permettra alors la subversion du système en place. Inversement, si José Bové était vu comme un « sauveur » alors la campagne produirait une régression sociale grave.

Il faut donc veiller, au cours des prochains mois, à équilibrer l’action de construction d’une force démocratique, et l’action électorale. Je prends l’exemple de « l’appel » dont je ne sous-estime pas l’effet positif mais dont je sais aussi la possible dimension éphémère. Depuis des années je me refuse à signer des appels nationaux qui entrent dans la démarche « monarchie républicaine » (les dangers surgissent vite). Des éclaireurs donnent la direction et chacun apporte sa signature (avec l’appui d’internet). Puis l’appel est sans lendemain (les signataires ne savent même pas que le voisin est aussi signataire !). Je ne me suis donc pas précipité pour signer, tout en répétant, là où j’étais présent, que je soutenais la candidature Bové. Je signe puisqu’à présent je sais qu’une organisation locale prend en charge cet appel pour lui donner une vie démocratique, les organisations locales ayant à se fédérer nationalement.

Pour le dire d’une autre façon :

a) la candidature Bové peut permettre de déclencher un phénomène qui, par son organisation sérieuse et son score électoral, peut remettre en cause la Cinquième République.

b) la candidature Bové peut se faire digérer par le système sous la pression des médias, à cause de la personnalisation, ou par l’absence de démocratie interne au mouvement.

Je m’engage dans le combat unisavecjosé afin que la première démarche l’emporte sur la seconde.

18-01-2007 - Jean-Paul Damaggio

Vos commentaires

  • Le 26 janvier 2007 à 17:33, par JLG En réponse à : "Soutenir José pour dénoncer l’élection présidentielle ?" par Jean-Paul DAMAGGIO

    Cher Monsieur,

    Un petit mot pour réagir à votre position du 19 janvier 2007 à propos de
    José Bové, qui aborde mon article dans L’Humanité Dimanche.

    Je tenais à vous signaler - et vous pouvez évidemment diffuser cette
    information- que je ne suis en rien l’auteur du titre, de la présentation de 3 lignes (polémique voire insultante) ainsi que de la légende de la photo de
    l’article. Je n’ai découvert tout ceci que le jour de la parution de L’HD et
    ai, depuis demandé un droit de réponse (pour l’instant à ma connaissance
    sans suite malgré un engagement du rédacteur en chef de L’HD). Ce type de manipulation me révulse.

    J’en ai également informé Mrs José Bové et Edward Goldsmith.

    Bien à vous,

    Jean JACOB, Maître de conférences de science politique à l’université de
    Perpignan

    PS : vous pourrez constater dans mon dernier ouvrage sur
    "L’Antimondialisation Aspects méconnus d’une nébuleuse" (Paris, Berg International, 2006) que je suis bien plus nuancé sur la question et que je fais largement état des positions de vincent Cheynet et de Paul Ariès.


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