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Notes en vrac 7

"Ma culture africaine m’a enseigné à me méfier du regard. J’ai appris qu’il est inapte à traduire le sens, à rendre le réel." par Anne-Laure Folly

jeudi 7 décembre 2006

J’écris actuellement un projet de film documentaire. C’est un sujet qui concerne la relation culturelle entre la France et l’Afrique. Je me pose donc la question du "comment filmer ?" Comment rendre compte, en image et en sons, la rencontre de deux cultures, leur rythme, les regards ? Comment cela se traduit dans la forme du film ?

Alors je lis et je suis tombé sur ce texte écris en 1993.


Ce texte a été écris par Anne-Laure Folly, réalisatrice, pour une petite brochure publiée par "Vue sur les docs" en juin 1993 intitulée : Filmer l’autre.

"Filmer l’autre lorsqu’on vient d’Afrique, c’est d’emblée se questionner sur l’abandon de ses références culturelles et sur son désir de transgresser, de s’acculturer consciemment, de se métisser culturellement.

Ma culture africaine m’a enseigné à me méfier du regard. J’ai appris qu’il est inapte à traduire le sens, à rendre le réel. Ceux qui voient réellement chez moi, sondent l’invisible. Le simple regard n’est jamais créateur, il ne suscite pas l’image mentale qui livre le message de vérité. Ce sont des adjectifs olfactifs et non visuels qui vantent la beauté d’une femme dans ma langue ewée, et pour mieux comprendre l’être aimé, on l’effleure d’un baiser plutôt que du regard.

Chez moi, la chose qui représente n’est pas exhiber mais préserver de la vue, cachée. Lorsqu’elle se dévoile, c’est elle qui nous regarde et nous garde comme le fétiche qui me protège et devant lequel je baisse les yeux. La perception singulière de l’émotion artistique ne me saisit pas. Devant une représentation, je me demande d’abord si j’ai le droit de voir, ensuite ce que la chose veut me dire. Il y a décryptage du sens de l’intérieur, ce que l’oeil ne peut pas faire.

Comme tu le sais, chez moi tout est tradition orale, alors pourquoi filmer ? Peut-être pour tenter de donner à la lecture intérieure de l’Africain une représentation du monde dans laquelle il se situe en cette fin de siècle, et pour te révéler certaines facettes d’une Afrique que l’on survole sans la comprendre, car elle ne veut pas se donner à voir."

Voici une partie de la filmographie d’Anne-Laure Folly :

1992 Le gardien des forces

1993 Femmes du Niger

1995 Femmes aux yeux ouverts

1996 Femmes d’Angola ’rêver la paix

1997 Les oubliées
...

A lire aussi dans les archives du Monde Diplomatique, un article d’Elisabeth Lequeret :

UN MONDE DE COMBATS, DE RÊVES ET DE DÉSIRS

L’Afrique filmée par des femmes

Le logo de cet "article" est une image du film Femmes aux yeux ouverts.

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