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Notes en vrac 4 : le grain de la voix et celui du montage

lundi 2 octobre 2006


Lors des entretiens je privilégie toujours le son à l’image. J’aime recueillir la voix au plus près. Il me faut qu’elle soit présente, à toucher, propre de toute rumeur, exempte d’un lieu, d’une pièce, d’une salle. Pour qu’elle puisse glisser dans le film, pour que le personnage puisse habiter le film en son entier ou plus partiellement pour qu’il habite les images mises sur sa voix. Pour que ces images habitent sa voix. Cette voix ordonne ces images ?

J’aime utiliser la voix qui peut ne pas être collée au corps et traitée comme une matière sonore.

Par contre quand un personnage parle en se déplaçant j’aime entendre les variations de la résonance du lieu. Là, c’est plus le lieu qui m’importe, à ce moment là il est habité par le personnage.

On m’a souvent reprocher que j’ai trop régulièrement la manie de ne pas mettre « in » les personnes qui me parlent.

Pour quelles raisons ?

Je peux tricher ? Tromper sur le discours ? Mais on peut aussi le faire avec une voix « in ». Il suffit de couper là où cela nous intéresse. Ou de poser la question qui se prête à cela. Tout est question de confiance. Cela ne ressemble pas au réel ?

Ce n’est pas du documentaire réaliste, naturaliste, une voix qui décolle du corps ? Oui, tout à fait, et c’est pour cela que je l’utilise ainsi.

Car je pense que ce sont le réalisme et le naturalisme qui sont trompeurs et menteurs (voir l’émission Strip-Tease qui a servit de modèle à tant de…) ; en se rendant transparent en tant que réalisateur, en enlevant toutes les marques d’énonciation, à faire comme s’il n’y avait pas de passeur me semble participer à une grande tricherie ; comme, de la même façon, rendre fluide et transparent le montage tout au long d’un film ou de n’utiliser que des plans séquences par exemple.

En ce qui me concerne, faire du documentaire c’est pouvoir jouer avec toutes les matières qui se présentent à moi ou que je vais chercher, ou provoquer… afin de rendre une des« réalités » (la mienne ?) mais sans chercher à imiter le réel.

Il s’agit pour moi de déconstruire pour construire et tenter que quelque chose remonte à la surface. Transmettre à travers l’agencement de toutes ses matières une somme de sens, de sensations, d’expériences.

Alors j’utilise la voix de mes personnages en « off », il peut y avoir de la fiction, de l’animation, des photos, du clip… je glisse des faux raccords, je change de structure d’une séquence à l’autre, j’organise des mises en abîmes du film, je boucle des plans… Et j’essaie que tout cela marche ensemble en faisant semblant de raconter une histoire qui tient la route.

Je prends du plaisir à faire ainsi, sans limites, ou seulement avec une seule : celle d’une éthique.

C’est pour cela que je préfère fabriquer du documentaire plutôt que de la fiction. Je m’y sens plus libre. La fiction pour être crédible doit être naturaliste.


Pour celles et ceux que cela peut intéresser, voici une analyse sur la voix off au cinéma (de fiction) à partir du film La ligne rouge de Terrence Malick :

Le bercail et la voix. À propos de The Thin Red Line de Terrence Malick

par Johanne Villeneuve


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