ni un journal ni un blog
|
L’impression de Fifi ABOU DIB Cartes postalesdimanche 13 août 2006 Comme il fait bon ! Dès que le silence se fait un peu plus lourd, dès que les avions ouvrent le ciel et qu’il pleut feu et sang, Nadim se retourne, inquiet, puis il s’étire, et feignant de n’avoir rien entendu, il offre son front à la brise qui passe et soupire : « Comme il fait bon ! » Nadim n’habite pas le Sans-Souci. Il est agriculteur au Sud. Il se déchire pour ses plantations, sa petite entreprise laitière, ses ouvriers dont il ne sait plus rien, pour ses proches, pour le sort des veaux retenus dans l’enclos, des chiens en laisse, de tout ce qui vit encore là-bas, jusqu’à quand. Dans les moments où l’impuissance le submerge, il s’accroche au souffle du vent. Tout à l’heure, quand des zéros s’afficheront sur son portable annonçant une communication du monde normal, à ses amis qui le pressent de sauver sa peau, il dira à mi-voix : je suis là, sur un balcon, à la montagne, le soleil se couche, et tu ne peux même pas imaginer comme il fait bon. Anne-Christine écrit : « Les Pyrénées sont majestueuses, mais le carillon de l’église ne marche plus. » Un banal SMS aux voyelles escamotées. Une fenêtre sur d’autres couleurs, d’autres parfums, un bol d’espoir : il y a des choses qui ne changent pas. Les Pyrénées sont majestueuses, elles le seront éternellement. Mais le carillon de l’église ne marche plus. Voilà bien un bouleversement dans ce paysage immuable. Merci pour toute la paix serrée entre ces deux lignes. Tu ne peux même pas imaginer comme c’est bon. La brise du balcon ici, le carillon de l’église là-bas, pauvres images que l’on s’échange pour faire semblant, rassurer l’autre, donner une petite chance à la vie.
Fifi ABOU DIB |
|