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ENGAGEMENT

par Le Yéti, mercredi 14 février 2007

vendredi 16 février 2007

Pourquoi avoir mis ce texte du Yéti sur Kinoks.org ? Peut-être parce que son ton me touche et que je m’y retrouve quelque part...


Voir en ligne : Chroniques du Yéti

ENGAGEMENT

Une amie m’écrit : "Ce qui me surprend, c’est que tu aies pu passer ainsi d’une position d’observateur assez distant de la vie publique à un engagement aussi résolu."

Elle évoque bien sûr mon implication dans la campagne en faveur de José Bové. Je lui ai naturellement répondu avec verve et toute une batterie d’arguments bien pesés. En vérité, une seule réponse toute simple aurait suffi : je n’ai pas le choix.

Pourquoi José Bové ? Le bonhomme est plaisant. Quand on le voit, on sait d’où il sort. Il sent la terre, même si le métier de paysan n’est pas seul à refléter sa vraie nature. Et on ne peut pas dire qu’il ne mouille pas sa chemise pour défendre ses convictions. Aime-t-il trop les sunlights médiatiques, comme le prétendent ses détracteurs ? Qu’importe, c’est secondaire.

D’aucuns avancent qu’il n’a peut-être pas l’envergure d’un président. Je crains qu’on ne confonde le mot "envergure" avec ces archétypes navrants issus des Grandes écoles. On a été servi, en matière d’ "envergure", avec notre pauvre Jacques ! Et ne parlons de la grandeur aérienne d’un Sarkozy ou d’une Royal, représentants ridicules de la fatuité humaine !

Non décidément, je préfère ce qui sent la terre. Et avec José Bové, il y a cette meute braillarde et vivante qui me plaît bien, bandes de gavroches vociférants qui ne veulent pas se laisser marcher sur les pieds. Je ne suis pas dupe, naturellement, je sais ce que peut devenir une meute quand l’odeur du pouvoir enivre ses partisans. Mais je n’ai pas le choix.

Le problème avec Sarkozy ou Royal ne repose pas sur leur seul ridicule. Mon engagement ne consiste pas uniquement à vouloir battre le premier ou à envoyer bouler la seconde. Il provient surtout d’une réaction animale de survie.

Je l’ai écrit bien souvent au fil de mes petites chroniques[1], mais je n’aurai de cesse de le répéter. La société humaine arrive à la fin d’un de ces cycles qui débouche trop souvent sur la douleur et les larmes, à travers drames sociaux ou conflits meurtriers. S’y adjoint aujourd’hui une dégradation écologique gravissime, je dirais presque "consciencieuse", de notre espace de vie.

Nous sommes embarqués dans une sorte de fuite en avant hagarde et suicidaire, une course à une pseudo-croissance néo-libérale qui a déjà réussi la gageure de faire plus de victimes au monde que feu le bloc soviétique à sa grande époque. Puissants et impuissants sont emportés dans le cataclysme qu’ils ont eux-mêmes créé pour les premiers, trop servilement accepté pour la majorité des seconds. Je ne me résous pas à accepter ce naufrage.

Dramatisation ? Je suis toujours surpris de constater à quel point les êtres humains refusent d’admettre des évidences et sont frappés d’étonnement quand elles se sont produites. Ce fut le cas à propos des exterminations nazis, ou à la suite des guerres coloniales comme celle d’Algérie. Dans ces cas-là, aucun exemple, aucune preuve tangible ne saurait venir à bout de nos aveuglements.

Pourquoi José Bové ? Parce que c’est nous qui l’avons choisi. Et qu’il me paraît être aujourd’hui le seul à pouvoir faire valoir notre alternative à l’organisation libérale[2], le seul à parler de redistribution des richesses quand d’autres (Ségolène Royal encore, tout récemment) en appellent inlassablement à cet attrape-couillon qu’est la croissance pour espérer financer leur train de mesures.

On me demande aussi si je crois réellement en nos chances de victoire.

En fait, je m’en fous ! Le problème n’est pas de mesurer nos chances, mais d’être convaincus ou non du bien-fondé de notre engagement. Je le suis, alors j’avance. Nous n’avons pas le choix ni le temps de nous abîmer en réflexions interminables. S’il avait soigneusement pesé ses chances de réussite, s’il avait attendu le soutien d’une majorité, Charles de Gaulle n’aurait sans doute jamais lancé son appel du 18 juin.

En ce moment, je suis de ceux qui font l’assaut des municipalités pour ces fichues 500 signatures. À l’accueil figé et embarrassé de mes interlocuteurs, je sais que ce ne sera pas chose facile. Mais ce n’est pas grave. L’expression politique ne se limite pas à la voie électorale.

Dehors, ce matin, brille un soleil radieux qui accroche des lambeaux de rouge dans les joncs jaunis du marais. Des escadrilles de canards sauvages se font du gringue à une vitesse supersonique. Eux comme moi savons où nous allons. Ça sent la terre. Je me sens bien. Et vous ?


Notes

[1] Cf. La Fin d’un monde.

[2] Je passe rapidement sur le PCF, parti à bout de souffle n’en finissant pas de traîner ses vieilles casseroles historiques ; sur LO et la LCR, simples alibis contestataires et commodes de nos médias officiels.


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