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Gaza sans pain

par Rami Almeghari - The Electronic Intifada

vendredi 26 décembre 2008

La bande de Gaza, où vit plus d’un million et demi de Palestiniens, sera bientôt sans son aliment le plus fondamental : le pain.


Tandis que les familles dans le monde monde célèbrent Noël, fêtant autour de tables bien pourvues, les parents de Gaza ne seront même pas en mesure de fournir du pain à leurs enfants à moins qu’Israël n’ouvre les frontières commerciales entre Gaza et le monde extérieur.

Hier, après que j’ai eu terminé ma conférence dans une des universités de Gaza, mon épouse m’a demandé de rapporter du pain de la ville de Gaza. Toutes les boulangeries dans notre secteur ont cessé de fonctionner en raison de l’absence de gaz pour la cuisson et de farine, suite au blocus du territoire imposé depuis 18 mois par Israël.

J’ai circulé dans toute la ville de Gaza pour essayer de trouver du pain pour mes quatre enfants, mais au lieu de cela je n’ai pu assister qu’à une malheureuse scène. Sur le chemin du retour vers ma maison dans le camp de réfugiés de Maghazi au centre de la bande de Gaza, j’ai vu des dizaines de personnes faisant la queue pour trouver du pain à la boulangerie d’Al-Yazji. Je me suis rapidement rendu compte que cela prendrait une ou deux heures jusqu’à mon tour dans la file, et d’ici ce moment-là je ne trouverai plus de pain du tout. Aussi j’ai continué mon chemin vers le camp de Maghazi, sans pain.

« Papa, nous voulons manger, nous n’avons pas de pain, » s’est plaint ma fille la plus âgée. J’ai réfléchi un court instant et j’ai alors demandé à mon fils Munir d’aller chercher quelques sandwichs aux falafel — notre genre d’aliments de préparation rapide — ainsi nous pourrions rapidement combler nos estomacs vides. Heureusement, après un moment, Munir est revenu avec les sandwichs achetés à un prix prohibitif.

Tandis que nous mangions, mon épouse m’a demandé de l’amener tôt à la ville de Gaza le jour suivant de façon à pouvoir acheter du pain. Imaginer qu’aujourd’hui à Gaza, l’acquisition d’une simple miche de pain exige de se lever au point du jour, d’acheter du carburant à un prix élevé parce qu’il a été passé en contrebande depuis l’Egypte, et que tout cela prendra deux ou trois heures !

Naturellement, l’histoire de ma famille n’a rien de particulier. C’est l’histoire de toutes les familles de Gaza qui essayent de survivre face à une crise humanitaire délibérée imposée par Israël.

Selon Abdel Naser al-Ajrami, le responsable de l’association des boulangers de Gaza, plus de 27 boulangeries sur d’un total de 47 dans la ville de Gaza se sont totalement arrêtées de fonctionner à cause du manque de gaz pour la cuisson et de farine, car Israël a bouclé les passages frontaliers commerciaux depuis presque deux mois aujourd’hui. Al-Ajrami m’a expliqué hier que des quantités suffisantes seront distribuées aux boulangeries pour les trois jours suivants, ajoutant qu’il y a eu de très sérieux efforts de la part des agents du gouvernement du Hamas pour assurer que les volumes nécessaires en gaz et en farine seront fournis dans l’ensemble du territoire.

Le 18 décembre, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) a cessé la distribution de produits alimentaires destinés à 750 000 réfugiés dans Gaza, dont mon famille, parce que ses stocks de farine de blé se sont épuisés. Selon le bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), Israël permet seulement à 16 camions de marchandises d’entrer dans Gaza par jour.

Par comparaison, 475 camions entraient chaque jour dans le territoire en mai 2007 au moment où les forces du Hamas ont pris le contrôle de la bande de Gaza après avoir battu les forces affiliées au Fatah du président Mahmoud Abbas.

Alors que la nouvelle année s’approche, il est difficile de savoir ce qui attend Gaza, compte-tenu du fait que le cessez-le-feu datant de six mois entre Israël et les groupes de la résistance palestinienne est arrivé à terme cette semaine.

En réponse au blocus et aux meurtres extrajudiciaires des Palestiniens par les forces israéliennes, les groupes de la résistance dans Gaza ont repris les tirs de fusées artisanales vers le sud d’Israël.

Alors Israël s’approche de la période des élections, le destin des familles comme la mienne devient une question liée à de la rhétorique politique, chaque candidat essayant de surpasser l’autre dans ses promesses de nous faire du mal.

Gaza reste la plus grande prison à ciel ouvert dans le monde. Mais à la différence d’autres prisons, on permet aux détenus de circuler affamés. En attendant, le gardien israélien reste impuni pour sa cruauté, avec le soutien des Etats-Unis et de l’Union européenne.

par Rami AlmeghariRami [1] - The Electronic Intifada

Notes

[1Munir Almeghari est actuellement le collaborateur de plusieurs agences d’informations, dont Palestine Chronicle, IMEMC, The Electronic Intifada et Free Speech Radio News. Il est aussi l’ancien traducteur anglais et l’éditeur en chef de l’international press center du Service d’Information Palestinien basé à Gaza.


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