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Les intermittents aux voeux du ministre Donnedieu de Vabres, ministre de la communication

LE MONDE

vendredi 13 janvier 2006


Les intermittents aux voeux du ministre


Article paru dans Le monde du 14/01/06

Mais laissez-moi parler !", tente, encore une fois, Renaud Donnedieu de Vabres. Il est 13 heures, jeudi 12 janvier. A la Cité de l’architecture et du patrimoine, au Palais de Chaillot, à Paris, le ministre de la culture et de la communication vient d’achever son discours de voeux, constamment interrompu par un groupe d’intermittents. Un vrai chemin de croix.


Les militants de la Coordination ont estimé que cette cérémonie était l’occasion de rappeler au ministre les engagements qu’il a pris à l’égard des artistes et des techniciens du spectacle et qu’il n’a pas tenus, pour l’instant. Plus efficace qu’une tarte à la crème dans le visage ! Il fait un froid de canard à la Cité du patrimoine et de l’architecture, dont l’ouverture, plusieurs fois retardée, est annoncée aujourd’hui pour "février 2007". Ce n’était pas un bon jour pour le ministre.

Plutôt que de répondre aux critiques, M. Donnedieu de Vabres a continué à égrener, imperturbable, les projets de l’année 2006. Au risque de ne pouvoir finir ses phrases : alors qu’il évoque "les nouveaux espaces disponibles du Palais de Tokyo", une militante l’interrompt : "Nous, nous pouvons parler des petites compagnies qui disparaissent !" Et ainsi de suite.

"La ferme !", finit par lâcher un monsieur cravaté, à l’intention des trouble-fête. Un journaliste de RFI râle, il n’arrive pas à enregistrer l’allocution du ministre. "Désolé, on perturbe le son, mais notre vie est perturbée", lui explique en aparté un intermittent qui vit aujourd’hui "du RMI". Puis, à voix haute : "Les festivals, les remises de prix, les cérémonies ne pourront se dérouler dans de bonnes conditions."

La colère des intermittents est à la hauteur des attentes que M. Donnedieu de Vabres a suscitées, en formulant de nombreuses promesses depuis son arrivée Rue de Valois, au printemps 2004 : ainsi, il s’était engagé à ce qu’un nouveau système d’assurance-chômage, "pérenne et équitable", voie le jour au 1er janvier en remplacement du protocole de juin 2003, contesté de toutes parts. A défaut, avait-il ajouté, le gouvernement prendra ses responsabilités devant le Parlement, en déposant un projet de loi. Le 22 décembre, les partenaires sociaux, réunis au siège du Medef, ont prorogé les annexes 8 (techniciens) et 10 (artistes) de l’Unedic et reporté les discussions au début de l’année 2006 (Le Monde du 24 décembre 2005). Une nouvelle réunion paritaire est prévue le 18 janvier. "Alors pourra commencer la vraie négociation (...) dont les partenaires sociaux doivent fixer le calendrier précis", a indiqué le ministre, qui s’est voulu rassurant.

Quid de la date limite du 31 décembre que le ministre s’était fixée pour régler le conflit ? "Je suis moins attaché à un butoir de calendrier, sur lequel je sais pourtant que le gouvernement est observé, qu’à une négociation approfondie", explique-t-il à présent. Aujourd’hui, les intermittents se demandent si le ministre a encore la main sur le dossier. La Coordination comme la CGT-Spectacle redoutent que les partenaires sociaux se bornent à toiletter la réforme de 2003, tout en maintenant ses principales dispositions.

A la fin de son discours, le ministre de la culture a été chaleureusement applaudi par des invités qui souhaitaient visiblement manifester leur solidarité. Mais le répit fut de courte durée. Dans le brouhaha a émergé cette phrase assassine : "Monsieur Aillagon, quand est-ce que vous démissionnez ?", a lancé un homme en faisant allusion au prédécesseur de M. Donnedieu de Vabres, qui n’a pas su gérer la crise des intermittents, déclenchée par la signature du protocole de juin 2003.

Devant les micros, le ministre a esquivé les réponses. Le projet de loi annoncé est-il toujours d’actualité ? "Je ne vais pas partir du principe que les négociations vont échouer. A chaque jour suffit sa peine..." Le gouvernement donnera-t-il son agrément à l’accord si celui-ci ne lui semble pas équitable ? "Le gouvernement appréciera l’ensemble du texte."

Devant les caméras de télévision, cinq ou six militants brandissent des tracts, en scandant : "Chômeurs, intermittents, précaires, non agrément !" Le directeur de cabinet du ministre, Henri Paul, fait la grimace. Quand il sort du Palais de Chaillot, vers 13 h 30, l’ambiance n’est guère plus engageante : derrière huit cars de gendarmes, une centaine de manifestants crient : "Donnedieu, démission, menteur !"

Clarisse Fabre

Article paru dans l’édition du 14.01.06


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