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Médias contestables, médias contestés par des étudiants en lutte

Marie-Anne Boutoleau et Yves Rebours

samedi 1er décembre 2007

Dans les jours qui ont suivi la tenue de la coordination nationale étudiante à Rennes les 10 et 11 novembre derniers, la plupart des médias ont déploré, avec un bel unanimisme, l’accueil qui leur avait été réservé : un «  climat de méfiance  », un « climat hostile ».


Voir en ligne : Acrimed

Protestations et condamnations

Ainsi, le 12 novembre, France 3 Bretagne, Le Télégramme, Le Figaro, Libération et Le Nouvel Observateur se mettent au diapason pour dénoncer l’interdiction faite aux journalistes d’entrer dans le bâtiment de Rennes 2 où se tenaient les débats de la coordination. Dans un article intitulé « Médias non grata à Rennes-II », Pierre-Henri Allain correspondant de Libération à Rennes s’interroge gravement : « Paranoïa ? Posture radicale ? » Et rapporte : « Pour certains étudiants de la coordination, la presse était manifestement indésirable ce week-end à Rennes. »

Le lendemain, Ouest-France s’y met. Le quotidien régional publie un encart de la rédaction : « Insultes, menaces, interventions pour gêner les interviews, difficultés à couvrir les assemblées générales... A Rennes et à Nantes, des acteurs du mouvement étudiant cherchent à nous empêcher de travailler. Heureusement, une grande majorité d’entre eux n’ont pas cette attitude antidémocratique. Le débat et les critiques sont normaux. [sic] Nous ne laisserons personne influencer nos écrits et nos photos. Nous continuerons à informer, en respectant nos principes professionnels, honnêtement et dans l’indépendance. »

Le même jour, son principal concurrent dans l’Ouest de la Bretagne, Le Télégramme, publie un « point de vue » d’Hubert Coudurier qui, sous un titre qui dit tout - « Refuser le nihilisme conservateur » - fulmine contre la mobilisation et explique : « La dictature des glandeurs ou des agitateurs qui les empêchent [les étudiants] de travailler apparaît comme la survivance de systèmes totalitaires , incongrus au XXIème siècle. La preuve : les médias sont malvenus dans des réunions où l’on tente désormais d’interdire le vote à bulletins secrets. »

Le 14, le site « indépendant » d’information rennais Rennesinfhonet [2] donne largement la parole aux journalistes. Ceux-ci témoignent anonymement, à l’instar de ce « journaliste d’un grand média national » qui déclare : « C’est une petite minorité d’extrême gauche, même fasciste d’extrême gauche qui cultive la désinformation à des fins de propagande. » « Fasciste d’extrême gauche » ? Rennesinfhonet d’ajouter : « Ce journaliste ne mâche pas ses mots et pourtant il les pèse » ! Plus loin, le site donne la parole à un « localier » qui « tempère » : « Ce n’est pas non plus Bagdad mais quand même... »

Et puis… Le Monde paraît !... Le 17 novembre, dans son édition datée du lendemain, le quotidien vespéral publie un éditorial adossé à un article (et réciproquement) : un sermon solennel contre les acteur des mobilisations sociales, dont nous nous sommes délectés ici même.

Le 20 novembre, l’AFP publie un article de Juliette Collen qui permet de relativiser tous ces cris d’orfraie. Il montre que, dans bien des cas, les rapports entre étudiant(e)s et médias sont beaucoup moins tendus que ne le laissent entendre généralement les journalistes, que ce n’est pas pire que lors du CPE et que bien souvent les journalistes peuvent faire leur travail normalement. Ce sont pourtant des journalistes de France-Info, d’I-télé, de Libération, de France 3 qui témoignent. Autrement dit, les mêmes qui se plaignent de « persécutions » ailleurs !

21 novembre, Le Monde, encore : le quotidien publie une « analyse » de Luc Cédelle destinée à montrer combien l’analyse faite par les contestataires du contenu de la loi Pécresse était fausse. D’où cette conclusion, sur le rapport étudiant(e)s/médias : « C’est pourquoi, pour protéger son postulat de départ - une loi "qui signifie la privatisation de l’enseignement supérieur" -, le mouvement est condamné à la surenchère anti-médias qui, d’avance, fournira la seule explication à son échec possible. Ce postulat n’est pas tombé du ciel. Il a été méthodiquement propagé par certains groupes présents en milieu universitaire et dont le point commun est de s’inscrire dans la mouvance de l’ultra-gauche. D’où la polémique sur la "poignée d’agitateurs" qui auraient artificiellement bâti un mouvement, en recourant à son savoir-faire éprouvé. » L’opposition aux médias dominants, prétexte pour cacher la prétendue inconsistance de l’opposition à la « la loi Pécresse » ? Il fallait y penser...

Le 22 novembre, Le Monde, toujours (mais aussi L’Express et Le Nouvel Observateur, tous se basant sur des dépêches d’agence), nous apprend via son site Internet que lors de la coordination nationale à Lille « les journalistes étaient invités à rester dans une salle, rebaptisée par certains jeunes salle de "quarantaine". Après quatre heures d’attente sans pouvoir dialoguer avec des membres de la coordination, plusieurs médias ont décidé de ne pas la couvrir. »

Le 23 novembre, Ouest-France récidive et clôt (provisoirement) le bal. Dans un encart intitulé « Inadmissible » en marge d’un article consacré à la manifestation des étudiants et des lycéens de la veille (et donc tendant à dissocier deux événements intimement liés), au cours de laquelle les bureaux de Ouest-France a été envahie, la rédaction vilipende ces « quelques dizaines d’ étudiants surexcités » et ces « manifestants hasardeux » qui auraient été « en quête d’un "coup" » et qui se faisant « ont mis une désagréable pression sur le personnel d’accueil ». Le journal proteste : « cette dérive porte atteinte à la liberté de la presse. » Dans le même numéro, Ouest-France consacre un article au reportage d’un de ses journalistes dans un amphithéâtre occupé de l’université d’Angers, admettant que sa présence avait été autorisée par un vote à main levée.

Vous avez dit « paranoïa » ?

La suite de l’article sur le site d’Acrimed...


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