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Stallman : "Ma vision du monde est différente"

mercredi 31 octobre 2007

Logiciels libres contre Big Brother.


Voir en ligne : framasoft.net

Voici un article anti-DRM (vous savez, les trucs qui espionnent vos pratiques et qu’on vous impose pour votre bien) écrit par Richard Stallman et dont l’incontournable Framalang [1] vous propose la traduction.

Il y répond à un article de Bradley Horowitz (le monsieur "Nouvelle Technologie" de Yahoo !) qui vantait les mérites des technologies à identifiants uniques, qui nous suivraient partout (et notamment dans nos téléphones portables) pour nous indiquer la boite de conserve la moins chère du supermarché.

Notre barbu préféré décrit les dangers (rééls et potentiels) d’un monde où cette technologie reposerait sur des logiciels propriétaires (donc sur lequel l’utilisateur n’aurait pas de contrôle).

Il en profite aussi pour dénoncer les pratiques actuelles des Big Brothers d’aujourd’hui : Google, Microsoft (dont il suggère que les copies de Vista devraient être effacées ou envoyées vers Alpha du Centaure), Apple ou encore... la BBC.

Cette dernière a finalement refusé de publier l’article, sous prétexte que la licence sous laquelle Stallman publie ses articles (autorisant, en gros, la diffusion et la copie gratuite du texte en question) ne correspondait pas à la politique de la BBC. Evidemment, ça devait être ça la raison principale...

***

La BBC m’a proposé d’écrire un article pour leur rubrique "The Tech Lab" et voici ce que je leur ai envoyé. (Il y est fait référence à quelques autres articles publiés dans cette même rubrique.) Mais la BBC se refusa à le publier avec l’avis d’autorisation de reproduction, alors je l’ai publié ici.

Bradley Horowitz de Yahoo ! a proposé ici que chaque objet dans le monde ait un numéro distinct, de façon à ce que notre téléphone portable puisse enregistrer tout ce qu’on fait — même quelle boîtes de conserve on achète au supermarché.

Si le téléphone est comme les téléphones d’aujourd’hui, il utilisera un logiciel propriétaire : un logiciel contrôlé par la compagnie qui l’a développé et non par ses utilisateurs. Ces compagnies s’assureront que votre téléphone met les informations qu’il récolte à votre sujet à la disposition de la base de données de la compagnie de téléphone (appelons-la Big Brother) et probablement d’autres compagnies également.

Dans le Royaume-Uni du futur, tel que le souhaiterait le New Labour, ces compagnies divulgueront certainement ces informations auprès de la police. Si votre téléphone signale que vous avez acheté un bâton et un morceau de carton, les ordinateurs de la compagnie de téléphone en déduiront que vous pourriez bien préparer une manifestation et vous signaleront à la police, qui pourra ainsi vous accuser de "terrorisme".

Au Royaume-Uni, il est littéralement illégal d’être suspect. (Plus précisément, d’être en possession d’un objet dans des circonstances propres à faire naître un "soupçon raisonnable" que vous pourriez l’utiliser de quelque manière criminelle.) Votre téléphone donnera à la police quantité d’occasions de vous suspecter, de façon à ce qu’elle puisse vous accuser de lui avoir été suspect. Des choses du même genre se produiront en Chine, où Yahoo ! a déjà donné au gouvernement toutes les informations dont il avait besoin pour emprisonner un dissident, puis a fait ensuite appel a notre compréhension, en avançant comme excuse qu’il ne faisait que "suivre les ordres".

Horowitz voudrait voir les téléphones portables répertorier l’information automatiquement, selon ce qu’ils peuvent connaître de votre participation à un évènement ou à une rencontre. Ce qui veut dire que la compagnie de téléphone saura aussi précisément qui vous rencontrez. Cette information intéressera également les gouvernements, comme ceux de la Chine et du Royaume-Uni, qui empiètent sur les droits de l’homme.

Je n’aime pas beaucoup la vision de surveillance totalitaire d’Horowitz. A la place j’imagine plutôt un monde dans lequel les ordinateurs ne collectent jamais, ou ne donnent jamais, d’informations à propos des utilisateurs sauf quand nous le leur demandons.

Les logiciels non-libres ne se contentent pas de vous espionner. Ils vous passent souvent des menottes numériques, des fonctions créées pour limiter les utilisateurs (aussi appelé DRM pour Digital Restriction Management ou MTP, en français, pour Mesures Techniques de Privation). Ces fonctions limitent l’utilisation que vous faites de vos fichiers sur votre ordinateur, leur lecture, leur copie ou leur transfert.

Les DRM sont devenus une pratique courante : Microsoft s’y est mis, Apple s’y est mis, Google s’y est mis et même le lecteur iPlayer de la BBC s’y est mis. De nombreux pays, se rangeant du côté de ces sociétés au détriment des consommateurs, ont rendu illégal la divulgation d’informations permettant d’enlever ces menottes numériques. Il en résulte que la concurrence ne fait rien pour défier cette pratique : quelque soit le choix que vous avez au sein des solutions propriétaires, elles vous menotteront toutes. Si l’ordinateur connait votre position géographique les DRM peuvent s’avérer pires encore : certaines sociétés voudraient restreindre votre accès en se basant sur votre emplacement géographique actuel.

Ma vision du monde est différente. Je voudrais vivre dans un monde où tous les logiciels sur nos ordinateurs - nos PC de bureau, nos PC portables, nos PDA, nos téléphones - soient sous notre contrôle et respectent nos libertés. En d’autres termes, un monde où tous les logiciels soient des logiciels libres.

Les logiciels libres, les logiciels qui respectent la liberté, impliquent que chaque utilisateur du programme est libre d’obtenir le code source du programme et de le modifier pour qu’il réponde à ses attentes mais aussi libre d’en distribuer ou d’en vendre des copies qu’elles soient identiques ou modifiées. Cela signifie que les utilisateurs ont le contrôle. Avec les utilisateurs aux commandes du logiciel, personne n’a le pouvoir d’imposer des fonctionnalités malignes aux autres.

Même si vous n’exercez pas vous même ce contrôle vous faites partie d’une communauté où d’autres le font. Si vous n’êtes pas vous-même programmeur, d’autres utilisateurs du programme le sont. Ils s’occuperont certainement de chercher et modifier les fonctionnalités malignes, comme celles qui vous espionnent ou vous imposent des contraintes, pour publier des versions plus sures. Il ne vous restera qu’à faire le choix de les utiliser, comme tous les autres utilisateurs les préfèreront cela ne devrait normalement pas demander d’effort de votre part.

Charles Stross a imaginé un monde où les ordinateurs enregistreraient tout le temps tout ce que l’on voit et entend. Ces enregistrements pourraient être très utiles, tant que Big Brother ne peut pas y mettre son nez. Les téléphones portables de nos jours sont déjà capables d’écouter les utilisateurs sans les en informer, sur demande de la police, de l’opérateur ou même par n’importe qui connaissant les commandes requises. Tant que les téléphones portables utiliseront des logiciels non-libres, contrôlés par leurs développeurs et non pas par les utilisateurs, on ne peut que s’attendre à ce que cela empire. Seuls les logiciels libres permettent aux citoyens adeptes de l’informatique de résister à la surveillance totalitaire.

L’article de Dave Winer suggère que M. Gates devrait envoyer une copie de Windows Vista vers Alpha du Centaure. Je comprends très bien ce qu’il ressent, mais en envoyer seulement une copie ne résoudra pas le problème ici sur Terre. Windows est fait pour espionner ses utilisateurs et les contraindre. Nous devrions regrouper toutes les copies de Windows, de MacOS et d’iPlayer pour les mêmes raisons et les envoyer vers Alpha du Centaure à la vitesse la plus faible possible. Ou simplement les effacer.


Licence
© 2005 Richard Stallman

La reproduction exacte et la distribution intégrale de cet article est permise sur n’importe quel support d’archivage, pourvu que cette notice soit préservée.

Biographie
Richard Stallman a lancé le système d’exploitation GNU (www.gnu.org) en 1984 et fondé la Free Software Foundation (fondation des logiciels libres) (www.fsf.org).

Notes

[1Framalang est une petite équipe (mais grande par le mérite) de volontaires qui travaillent collaborativement à la traduction (généralement en français) d’articles traitant de logiciels ou de culture libres. Encore merci à eux.


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