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Intermittents et pour tous

À emploi discontinu, revenu continu.

Texte lu au meeting de la candidature de José Bové à Saint Denis par des représentants de la Coordination des intermittents et précaires Iles-de France

lundi 26 février 2007

(ce qui est en italique n’a finalement pas été lu)


On s’étonne de la durée exceptionnelle du conflit sur l’indemnisation chômage des intermittents surgi lors de l’été 2003. Mais c’est depuis 1999, que dans l’optique de son projet de « refondation sociale », le MEDEF, avec l’accord de certains syndicats dont la CFDT, détruit méthodiquement le système d’assurance-chômage. On ne le sait pas assez, François Kessler, pdg de la compagnie d’assurance AXA, avait cru pouvoir déclarer à l’Unedic cette « refondation sociale » réussie dès l’instauration en 2001 du P.A.R.E (Programme d’aide au retour à l’emploi). Contrairement à bien d’autres tenants du « retour au plein emploi », eux n’ignorent nullement que la situation faite aux chômeurs et par extension à l’ensemble des salariés à l’emploi discontinu est au centre de la restructuration a-sociale en cours.

Cette « refondation sociale » vise à faire des dépenses de santé, éducation, culture, comme de l’épargne des salariés, de nouvelles sources de profit. Dans ce cadre, ce qu’ils appellent avec d’autres (dont l’OCDE, gvts divers) « activer les dépenses passives », consiste à transformer le chômeur indemnisé en salarié précaire mal payé, assujetti de force aux seules lois de rentabilité du marché, quitte à verser directement son allocation à l’employeur (voir le RMA).

L’assurance-chômage est visée car elle attribue un revenu aux chômeurs. Il s’agit pour eux de transformer ce revenu en capital, un capital de droits plutôt qu’un système mutualiste.

Toutes ces réformes visent à rendre le chômeur responsable de sa situation pour mieux développer la concurrence entre salariés.

La réforme de l’assurance-chômage des intermittents du spectacle est au cœur de cette politique. La précarisation des salariés impose de supprimer un régime qui concède des garanties collectives à des salariés à l’emploi discontinu. L’existence d’un tel régime menace en effet de fournir l’embryon d’une alternative à la « société des individus » qu’ils appellent de leur vœux.

Il est possible de résister, et, pourquoi pas ? au moins d’endiguer la barbarie concurrentielle. Sans la lutte menée depuis plus de 3 ans, qui a imposé au gouvernement de créer une allocation accessible, l’AFT (allocation de fond transitoire), cette réforme de l’Unedic aurait exclu 40 000 salariés intermittents du droit à indemnisation. Ce protocole est structurellement inégalitaire du fait de fonctionner selon une « capitalisation des droits » radicalement opposée au principe mutualiste d’une redistribution vers les plus faibles revenus. Cette réforme met en place un système où les plus employés et les mieux payés sont également les mieux indemnisés. Cette réforme, dont l’urgence affichée était la réduction d’un déficit et qui coûte d’avantage , vise donc à terme à supprimer la prise en charge interprofessionnelle. L’essentiel pour eux, on l’a compris au cours de ces trois années de lutte, est en fait de promouvoir le système assurantiel privé.

Et ce n’est pas tout !

Pour accélérer les radiations des chômeurs, la réforme a mis en place toute une gamme de menaces, de contrôles. On fabrique ainsi une nouvelle insécurité sociale qui conduit à la course aux cachets, à l’acceptation de n’importe quel emploi, jusqu’à imposer des emplois sous peine de se voir supprimer une allocation.

C’est en prenant pour point de départ les pratiques d’emploi discontinu que la coordination des intermittents et précaires a élaboré et proposé un autre modèle d’organisation de l’indemnisation chômage. Basé sur des principes mutualistes, il est applicable à l’ensemble des salariés concernés par la discontinuité de l’emploi ( cdd, intérims, vacataires). Il fonctionne sur la base des besoins concrets, chaque jour chômé y est indemnisé, tandis que chaque jour travaillé est non indemnisé. Avec un min. d’indemnisation quotidienne équivalant au SMIC JOUR assorti d’un plafonnement de l’indemnisation pour les revenus confortables.

Cette proposition implique d’élargir les modalités d’un financement qui ne peut plus être exclusivement basé sur le volume horaire d’emploi dont dépend la cotisation sociale. Il faut donc établir une autre taxation du capital ! Mais il sera en outre nécessaire de déterminer une autre assiette de financement des garanties accessibles aux salariés que le volume horaire d’emploi car il s’agit d’appréhender au plus près des formes actuelles de production de richesses que cet instrument de mesure ne décrit, de taxer, par exemple, les flux de communication et d’autres manifestations objectivables de la coopération sociale dont dépend fondamentalement la richesse. On voit qu’il s’agit là d’une conception qui vise à rompre avec l’individualisme possessif comme avec la victimisation actuellement de rigueur. Nous ne voulons ni de pseudo loi de l’économie ni de la politique compassionnelle. Nous sommes nombreux et en avons simplement assez d’être plaints !

Cela implique également une remise en cause radicale d’un paritarisme initié après la seconde Guerre Mondiale. On a vu depuis 30 ans que cette forme institutionnelle a progressivement dérivé vers un mépris du commun digne d’une véritable trahison organisée : des centaines de milliers de travailleurs précaires cotisent à un régime d’assurance-chômage qui ne les indemnise pas, ou très mal, comme c’est le cas de la majorité des chômeurs,.

L’expérience de l’intermittence permet de saisir cet enjeu. Il ne s’agit pas là simplement d’un financement par défaut du spectacle et de la culture, mais de trouver des points d’appui pour construire un rapport de force susceptible de renverser cette logique de concurrence. Penser la protection sociale comme un investissement collectif, n’est pas résumable à une question économique ou social, comme s’il s’agissait de domaines réservés. Nous disons simplement que la liberté nécessite des supports sociaux, qu’il s’agit de replacer la question de l’émancipation individuelle et collective au cœur de l’action politique.


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