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RAPIDE TOPO SUR L’ EVOLUTION DU TRAVAIL

du 18ème siècle à nos jours

lundi 10 septembre 2007

Voici un texte très court que j’ai écrit en novembre 1999 pour le bulletin "L’Assez Ri" de La Série (association d’intermittent-e-s de l’audiovisuel en Midi-Pyrénées).
Ce texte qui devait tenir en une page est, en quelque sorte, un condensé de ce que j’avais lu/retenu d’André Gorz à cette époque.
Ce travail de lecture et d’écriture m’a aidé dans la réalisation de mon film "Bleu de travail et bleu du ciel", un extrait de ce texte a été utilisé en "voix off".


Texte copié, collé et rédigé d’après les écrits d’André Gorz [1]
Novembre 1999

Le « plaisir » de donner, de « faire plaisir », de secourir, d’offrir et de recevoir sans contrepartie, est inhérent à l’amour, à la tendresse, à l’affection, à l’amitié, à la solidarité, bref à tous les rapports avec autrui vécus comme enrichissements mutuels de nos existences et sans lesquels la vie perd tout sens et « ne vaut plus d’être vécue ».
Or l’industrialisme a institué le travail en tant qu’activité purement fonctionnelle, séparée de la vie, amputée de sa dimension culturelle et coupée du tissu des rapports humains.
Le travail a cessé d’être une manière de vivre et d’agir ensemble, le lieu de travail d’être un lieu de vie, le temps de travail d’être un temps ajusté aux saisons et aux rythmes biologiques.
Bien avant la télévision, ce travail a cassé le lien social tout en faisant croire qu’il en était la seule source possible, tout en faisant croire que le but dans la vie était ce travail, que l’appartenance à la société était d’avoir du travail : sans lequel la vie perd tout sens et « ne vaut plus d’être vécue ». Les liens sociaux, qui se sont maintenus, sont ceux qui se sont construits dans les actes de résistances, dans le sentiment d’appartenir à une classe.

Le capitalisme manufacturier, dès le 18ème siècle, a commencé à monopoliser les moyens de travail pour pouvoir contraindre les gens - les tisserands en premier - à travailler pour un patron.
Les manufactures, les usines n’ont pu se développer qu’en abstrayant le travail de la personne qui le fait, de son intention, de ses besoins, pour le définir en soi comme une dépense d’énergie mesurable, échangeable contre n’importe quelle autre et dont les prestataires, les “travailleurs”, sont interchangeables.
Ce travail devenu ”abstrait”, est une marchandise que le patron achète et dont il détermine souverainement la finalité, le contenu, les heures et le prix. C’est un travail qu’il donne à faire à un travailleur qu’il paie.

Aujourd’hui, le travail qui disparaît avec la mécanisation, l’automatisation et l’informatisation, est ce travail abstrait, le travail en soi, mesurable, quantifiable, détachable de la personne qui le “fournit”, susceptible d’être acheté et vendu sur le “marché du travail”, bref, c’est le travail monnayable ou travail-marchandise qui a été inventé et imposé à grand-peine à partir de la fin du XVIIIème siècle.
C’est en ce sens que le travail dont nous disposons quand nous disons que nous “avons” et “n’avons pas” un travail, est une invention du capitalisme. Car si nous prenons “travail” au sens propre de faire, réaliser, agir, créer, peiner, le travail ne peut jamais manquer.

En fait, ce que nous “avons” ou “n’avons pas” est un revenu garanti pour vivre.

Nous entrons dans une ère où le savoir, la connaissance deviennent les principales forces productives et la forme principale du capital fixe. L’accumulation, la concurrence sur les marchés, se font principalement par le capital-savoir. Nous sommes à une époque dans laquelle le langage lui-même a été mis au travail, dans laquelle il est devenu travail salarié.
A l’échelle de la société, nous passons beaucoup plus de temps à produire du savoir qu’à le mettre en oeuvre de façon productive. Nous passons beaucoup plus de temps à nous produire, c’est-à-dire à développer nos capacités et compétences, qu’à produire nos productions.
Ce sont les capacités communicationnelles, relationnelles, cognitives, affectives, imaginatives que nous développons en dehors de notre temps de travail immédiat qui nous permettent de réaliser en deux heures de travail direct davantage que nos grands-parents en 20 ou 40 heures.

Le travail, qui se développe aujourd’hui, ne distingue que très relativement la vie du temps de travail. Il est tout autant productif durant le temps libre que durant le temps occupé. Le travail tend à s’étendre sur l’ensemble de la journée vécue, de la même façon qu’il tend à s’identifier aux formes de vie.

Il devient donc de plus en plus absurde de ne payer les gens que pour le temps passé à mettre en oeuvre leurs compétences. D’autant plus que si crise il y a, c’est celle d’une mauvaise répartition des richesses créées.

Notes

[1Je vous conseille vivement la lecture de son livre, Misères du présent Richesse du possible, publié aux éditions Galilée.


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